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DOCUMENTS     About : Babylon Babies, Alexandre Vanautgaer

About : Babylon Babies, Alexandre Vanautgaer

March 1st 2001

Lettre

Chère Marie, voici l’histoire d’un homme qui rencontre la femme qu’il aime. Peu de temps après, ils décident de partir ensemble vers le Sud car elle désire lui montrer son café et son ami. Ce café portait un nom étrange, semi-boréal.

En ouvrant cette maison, elle avait réalisé un rêve, celui de créer un lieu qui ne soit pas à côté d’une église mais qui aurait hérité des anciennes vertus des cafés qui, pendant l’office, réunissaient les mécréants, puis, faisaient le plein de ménagères. À bord d’une voiture suédoise d’un autre âge, ils traversent malgré l’hiver deux pays en douceur. Chaque kilomètre leur apporte une histoire nouvelle et ils profitent de chaque halte pour s’embrasser. L’air est froid. La voix de la femme tellement chaude. L’ami, qui les attend dans le Sud, surgit à intervalles réguliers dans la mer de leurs histoires. En chemin, ils se promettent sans se le dire, toutes les vies qu’ils vont bientôt vivre. Ils arrivent pendant la nuit dans une ville qui fait encore la fête et se rendent sans plus attendre dans son café. Après avoir franchi l’entrée, le seigneur des lieux vient embrasser son amie et souhaite la bienvenue à son amoureux. Ils mangent ensemble dans l’odeur bienfaisante des fours. L’hiver est au-dehors dans la buée des vitres. L’amoureux est surpris car la femme a oublié de lui dire que son ami était noir. La femme n’y a pas songé car son ami, à ses yeux, n’a pas de mélanine. Elle n’entrevoit que son cœur. Plusieurs heures plus tard, il ramène les deux amoureux fatigués. Il leur donne sa chambre japonaise à l’arrière de son appartement africain. Dans la chaleur du bois et du futon, les deux voyageurs font l’amour très lentement afin de ne pas réveiller leur ami. Au matin, il revient avec du thé et des coupes de fruit. Dans cette petite chambre qui n’est qu’un immense lit, ils discutent longtemps ensemble, entourés de clémentines et de raisins doux. Lorsque l’ami part faire son marché, l’homme s’assoupit près de son amoureuse. Au réveil, il ne parvient pas à se défaire d’une sensation étrange. Celle-ci met quelque temps à se révéler : il réalise, avec étonnement, que l’ami de son amoureuse est la première personne noire avec qui il a un échange d’idées. Des Africains, pourtant, il croyait en connaître. Son pays, aussi étroit qu’une coquille de noix, avait possédé jadis une colonie grande comme baobab et dans sa ville il rencontrait régulièrement pensait-il des Africains. Il se rend compte qu’il ne faisait que les croiser… Lorsqu’il confie la chose à son amoureuse, elle lui fait part de sa stupéfaction. Il aperçoit un nouveau rivage et se sent soudainement isolé sur une île qu’il croyait peuplée de tous les peuples de la terre mais dans laquelle il ne conversait qu’avec des blancs. Il dérive et rêve ce continent dont, il en prend conscience, il ignore tout. Depuis lors, grâce à son amoureuse, l’Afrique est entrée dans sa vie. Il ne connaît toujours pas beaucoup d’Africains mais il sait désormais qu’il existe un horizon immense, étranger aux lois de la perspective et à ses points de vue uniques, dans lequel les hommes ont une couleur qui fait l’encre des meilleurs livres…