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Il y a une écorcheuse qui piste puis qui frappe. Il y a sa lame qui rapidement sectionne les bords de son trophée, la douleur, la fuite puis le culte. Rien de tout ça n’est un jeu, et si on vous le prétend alors dites que c’est un mensonge soporifique.
Marie-Jo Lafontaine a un holster pour ses objectifs. Elle brise les images des choses (humaines parfois) et en tend l’épiderme avec soin sur du papier sensible. Il n’est pas donné à tous d’aimer les odeurs qui s’en dégagent. D’ailleurs elle ne le demande pas. Ici, pas de moyen de contourner ou de se rassurer en parlant de l’ancienneté, ce sont nos minutes qu’on prend de front… qu’on prend comme on peut, entre deux respirations.
Elle nous prend pour cible, explosant nos regards à l’opposé de toute douceur… et si soudain on la retrouve gentille, c’est dans nos mièvreries qu’elle refuse avec fureur, c’est dans cette lucidité qu’elle exige de nous… nous les dégénérés… nous les parasites apeurés sous sa loupe. Marie-Jo retrouve ce combat où la proie a un cinquantième de seconde pour répondre à l’attaque. Parfois politique, parfois recluse, parfois sauvage … inquiétante, plongée dans l’oxygène liquide, elle est une fleur qui scotche ses pétales comme des post-it. Qu’elle les colle autour de vous est un privilège qui se mérite, qui se travaille.
J’ai une peur. J’ai certainement des enthousiasmes et des passions mais une chose seule est acquise, j’ai une peur. Une capacité à l’angoisse, au stress, à la tension, aux mourons, à la bile, au nœud… et des dents pour me ronger les sangs. Chaque seconde a sa question.
Qui me dit que je suis malheureux sans son produit ? Qui me dit que j’ai raison d’avoir peur car sans sa protection je ne serais qu’à genoux ? Qui me dit qu’on brûle ma ville, qu’on déchire ma famille en piétinant mes icônes? Qui incite à ce qu’on me le dise avec conviction? Qui m’instruit la peur des autres? Chaque jour une couche de ce mucus de terreur supplémentaire. Un beau Pollock, madame.
Mes peurs je les projette forcément sur ces visages en progression, sur ces moments avant. Avant les yeux, avant la peur. Avant de voir la machine tourner et de s’accroupir hébété. Combien seront ils à se battre pour réformer les coutumes anciennes qui nous condamnent ? Je les espère, je les vois de temps en temps. Je sais qu’ils peuvent, je sais qu’on peut, mais qu’il faut un élan insensé… un seuil dépassé de la colère au dégoût. Et là paf, ça passe, ça dépasse les cadres et les limites et quelque chose bouge dans cette clameur d’impuissance.
Ces visages attrapés au vol sont fatigués. Pas physiquement, encore que parfois, mais c’est pas le sujet. Non, moralement… dans l’iris, dans la paupière, on lit la peur. Enfin… je lis ma peur. Celle dont je suis certain, cette chose unique et scotchée à ma lecture du monde. Babylone la corrompue… Babylone la perverse. Abîmée par les diadoques, vidée de ses tripes par les guerres entre séleucides et parthes pour finalement disparaître sous les assauts des sassanides. En quatre mille ans et une Bible, un mythe de paix et d’unité est devenu un mythe de la dépravation. Babylon System has no faith. les Babylon Babies c’est le regard de la bête qui sait qu’elle va être abattue et qui se force à penser à autre chose.
«Mais quand vont-ils comprendre que je n’ai autour de moi que des violées qui baisent, des asthmatiques qui fument et des leucémiques qui s’explosent la face??» L’étudiant était gris de fureur dans ce café à parole. Un café de brique rouge où se refait le monde huit fois par heure à chaque table. «Je ne veux pas dire qu’on est tous malades, mais le problème ne vient pas de nous. Le monde va mal et nous on prend ce qu’on peut comme vie avant que ça pète. On s’amuse tant que c’est possible, et pour le reste on se protège au mieux.»
La nuit les bébés de Babylone sortent avec des idées de fin du monde incrustées dans le regard. Ils se racontent leurs défenses et savent trop bien que le monde suffoque. On le leur a dit partout depuis dix ans, ils le voient. C’est l’hallali, le grand final, la débâcle, tous pourris, c’est fini. Vous voulez savoir quoi? Ils s’en foutent.
Ils s’en foutent parce qu’on ne peut pas faire grand chose d’un concept de monde mourant. Ils s’en foutent parce qu’ils ne voient pas de possibilité d’influencer le cours de la machine. Ils s’en foutent parce que ça fait du mal pour rien. Ils s’en foutent parce que eux ils vivent. Alors Ctrl+Alt+Delete! Un bon reboot et on n’en parle plus. D’autres fouillent dans les images de leur enfance parce que l’enfant a encore le droit de nier l’évidence. Et bardés de leurs clichés d’innocence ils se lancent dans les décibels en criant ‘Back Up!’. Ils sont six cents, cent mille ou un million… ils sont les foules neuves.
Le premier combat à mener pour eux n’est pas contre le monde, mais contre l’abattement et la cupidité des plus âgés. La priorité est de retrouver l’enthousiasme, la tangente. On remue les interdits non pas par amusement de les briser mais parce que le bonheur y a peut-être été enfoui par accident. On retrouve l’intérêt de concepts comme le boycott ou les communautés. On adapte au millénaire en cours les attitudes les plus radicales des années soixantes mêlées au confort moderne et au web. C’est une erreur? Qu’importe, elle est à faire et peut-être s’en dégagera-t-il quelque chose que vous n’aviez pas vu. La question n’est pas de culpabiliser mais de reprendre les recherches trop vite écartées.
Face à des religions qui moussent de haines et de dogmes en masquant les pires des manipulateurs, les Enfants de Babylone se construisent leurs propres cathédrales où ne se prient pas de dieux. Ils préfèrent y encourager leur foi en la fête et ce qu’elle veut dire.
Sur un écran sonore le bébé de Babylone projette ce qu’on lui reprochera partout ailleurs: un élan humain fou de partage. Et parce que tout le monde lui dit que tout s’éteint il construit dans sa bulle proche un monde frais, où l’émotion a de nouveau une valeur. Un territoire où entre créatures on se salue avant de célébrer la vie. Loin des cynismes, un droit à la passion. La coalition du désir.