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Devant ces visages…
Ce qui frappe d’abord, c’est le format de ces photographies (240 cm x 184 cm).
Ensuite, c’est la série, la multiplication des portraits d’adolescents et d’adolescentes, qui ont en commun leur âge et le regard qui nous fixe, le portrait limité au visage, au cou, à la clavicule, aux épaules.
Alors surgit la différence de sexe, bien sûr, de couleur, de coupe de cheveux, des sourcils, de nez, de bouche, d’oreilles, d’épiderme.
Le regard se détache du visage. Il est au-delà de ce qu’il exprime et fait que tous ces visages, dans leur diversité, deviennent le visage. On pense à Levinas. Nous sommes assignés à voir, après avoir dévisagé, à voir sans ramener le visage à des catégories ethniques ou socioculturelles.
Quelque chose dans ces photographies nous arrête, nous tient dans la distance et c’est comme si l’identité devenait l’icône de l’identité. Quelque chose nous surprend et suspend tout jugement et nous laisse, sans réponse, devant l’interrogation muette des visages.
Ils sont là, ces adolescents, au tournant de leur âge, dans une sorte d’évidence et de fragilité qui tient encore de l’enfance. C’est ce que Levinas appelle la nudité du visage.
Le fond en couleur vive détache ces visages de leur cadre et renforce le sentiment de leur apparition immobile.
L’occupation de l’espace donne au spectateur le vertige de la rencontre. Alors l’étranger devient l’étrange prochain.
C’est tout l’art de Marie Jo Lafontaine qui, sous l’apparente froideur de l’objectivité, ouvre le regard et le cœur à l’hospitalité.
Jacques Sojcher