BELGIQUE La photo officielle de Philippe et Mathilde n’est ni un cliché de
presse, ni une illustration de mode.
Nul doute que chacun ira de son commentaire à propos de la photographie de nos
nouveaux souverains. Et pourquoi pas ? Après tout, cette image nous concerne
tous. Néanmoins, les premiers échos de critiques spontanées montrent que
quelques précisions s’imposent. En effet, pour ne pas se tromper de débat, il
convient de rappeler que cette image n’est ni un cliché de presse, ni une illustration
de mode et encore moins un morceau d’art. Il s’agit en fait d’une représentation
officielle. Dès lors, les questions qui se posent sont moins celles de la véracité ou du
« bon goût » que celles de la crédibilité et du respect. Cette photographie n’est pas
un portrait des personnes, pas plus d’un point de vue physique que d’un point de
vue psychologique. Que cette photo soit retouchée ou non n’a donc pas
d’importance car il convenait avant tout de créer une représentation -la meilleure
possible eu égard aux critères de l’époque- de la nouvelle incarnation de la fonction
royale. Les cordons et décorations, l’uniforme du Roi également le soulignent
suffisamment. La pose aussi. Le Roi et la Reine ne se tiennent pas tendrement
comme ils l’ont fait par exemple lors de leur apparition au balcon du palais
dimanche soir. Cette attitude-là, fut-elle sincère, était destinée à faire une image de
communication. Dans un contexte d’émotion, il s’agissait de suggérer un sentiment
de proximité. Ici, rien de tel et il est clair que ce qu’on a délibérément voulu par le
côté hiératique de la pose, c’est une statufication. La statue il est vrai
dépersonnalise son sujet et l’installe à distance. Toutefois, on remarquera le point
de vue complexe de cette prise de vue-ci. Elle installe généreusement ceux qui la
regardent à l’intérieur du château tout en les amenant par une contre-plongée assez
appuyée à la révérence. C’est clair, nous ne sommes pas invités à nous installer
comme chez nous, mais plutôt à partager cette présentation protocolaire. Souvent,
les portraits officiels s’accompagnent de la pompe et du décorum. Dorures et
draperies de salles d’apparat apportant des connotations de pouvoir
supplémentaires. C’est le choix qui a curieusement prévalu -et à notre avis à
contresens- pour les photos de la famille royale réalisées par le photographe Michel
Gronemberger. Cependant, pour ce portrait officiel du couple régnant, Marie-Jo
Lafontaine a subtilement préféré quant à elle ce décor de parc baigné d’une douce
lumière. On ne pouvait pas mieux suggérer la légèreté tout en asseyant par
contraste la dignité de la fonction. Les couleurs froides achèvent d’effacer toute
idée déplacée et même démagogique d’un couple « normal ». Nous n’avons pas
affaire ici à Philippe et Mathilde dans l’intimité, mais bien à nos souverains en
majesté. Jean-Marc Bodson